Résultat du diagnostic archéologique sur Porte Madeleine

Conférence donnée salle Jacques Guillemeau

Date : Jeudi 16 mars 2017

Lieu : Salle de conférence Jacques Guillemeau – Centre hospitalier régional d’Orléans

Thème : Rapport du diagnostic sur les fouilles archéologiques à l’hôpital Porte-Madeleine

Intervenants : Emilie Roux-Capron et Amandine Ladam (Archéologues au pôle d’archéologie de la ville d’Orléans).

Discours de bienvenue de Olivier Boyer, directeur général du centre hospitalier régional d’Orléans.

L’objet de la conférence est d’aborder dans son ensemble le diagnostic archéologique de l’hôpital Porte-Madeleine. M. Olivier Boyer, directeur général du CHR remercie l’assistance composée de nombreux hospitaliers et la structure porteuse organisatrice de la manifestation l’association APHO. Il passe ensuite la parole aux intervenants.

Le diagnostic s’est déroulé du 23 aout au 8 novembre 2016. Il a été mené par le pôle d’archéologie de la ville d’Orléans. Dix-neuf sondages au total ont été réalisés, soit 9 sondages mécaniques et dix sondages manuels en cave et en extérieur sur cette emprise de 5,3ha. L’occupation la plus ancienne mise à jour est datée du tout début de notre ère. Elle est caractérisée par un fossé formant un angle droit et une sépulture. Au centre de l’emprise, plusieurs inhumations d’adultes, dont certaines avec dépôt funéraire, ont été découvertes et font de cette parcelle un lieu d’inhumation pérenne durant deux ou trois siècles. Ces inhumations adultes ont été mises en place entre le IIe et IIIe siècle après J.-C. Lors des différentes études des couches de remblai il apparait que des activités artisanales coexistent durant l’antiquité, notamment le long de la rue Croix-de-Bois à l’emplacement des 4ème, 5ème et 6ème division du Quartier des aliénés.

Le Haut-Moyen Age ne livre que peu de vestiges, à l’exception d’une sépulture, une fosse et des remblais attestant une occupation au cours des VIIe et IXe siècles constituant un des rares points de découvertes de l’occupation alto médiévale à l’ouest d’Orléans.

Deux phases d’occupation suivent, l’une datée des XIIIe– XIVe siècles, la seconde du XVe siècle et sont caractérisées par des vestiges d’habitat en bordure de parcelle et par le creusement d’une cave carrière dont l’utilisation comme cave perdure à l’époque moderne. Le centre de l’emprise semble essentiellement occupé par des terres agricoles. Une autre carrière est percée au cours des XVIe et XVIIe siècles témoignant de l’urbanisation de ce secteur. Elle est également transformée en cave.

A la fin de la période, l’hôpital général est édifié (1675) en lieu et place de l’arsenal de la ville. Cette époque voit également l‘installation d’un terrain d’entraînement destiné aux arquebusiers ; des bâtiments du couvent de Notre-Dame-du-Calvaire sont également annexés. Au XIXe siècle, sont inaugurés le nouvel Hôtel-Dieu (1844) ainsi que le Quartier des aliénés et la pension Dubreuil (1889) complétant ainsi l’ensemble du bâti moderne et contemporain.

De gauche à droite, Emilie Roux-Capron et Amandine Ladam (Archéologues)

Période Antique Ier –  IVe siècle

Une découverte majeure :

Un espace funéraire avec objets (un vase du 1er siècle et 9 sesterces) permettant de dater trois sépultures au début de l’antiquité. 

La sépulture la plus précoce concerne un individu inhumé tête à l’ouest, de sexe masculin, âgé de plus de vingt ans. La datation par le carbone 14 permet de dater le squelette dans une fourchette comprise entre 40 av. J.-C. et 80 apr. J.-C.

L’individu a été déposé dans une large fosse quadrangulaire relativement profonde puisque conservée sur environ 0,85m de hauteur. Elle mesure 2,23 de longueur, pour 1,18 de large. La présence de dix-sept clous retrouvés derrière le crâne et des traces noires, caractéristiques de la décomposition du bois laisse à penser que l’individu était disposé dans un coffrage en bois ou cercueil.

La deuxième sépulture est celle d’un individu de plus de 30 ans, tête également à l’ouest déposé dans une large fosse quadrangulaire et conservée sur 0,37cm de profondeur. Elle mesure 2,02 m de longueur pour 1,06 de largeur. Là aussi la présence d’une dizaine de clous indique la présence possible d’un contenant en bois. Cette tombe présente la particularité de contenir des dépôts funéraires : cruche en céramique à droite du crâne, ensemble de monnaies découvertes éparses dans la région du bassin. Ces monnaies sont au nombre de neuf, en cuivre et se composent de sept As (monnaie de bronze ou cuivre de la Rome antique) indéterminés et deux sesterces. À signaler également la présence d’une épingle en alliage cuivreux.

La datation par le carbone 14 permet de dater le squelette entre Ier siècle et le IIIe siècle après J.-C. L’inhumation est postérieure à la 1ère sépulture. Ces deux sépultures sont localisées dans les caves de l’Hôtel-Dieu sous l’ancien service de Médecine interne. (Anciennement salle Debrou)

Une autre sépulture a été retrouvée dans une vaste fosse quadrangulaire au sud de l’emprise. Il s’agit d’un individu adulte de sexe indéterminé, inhumé là aussi tète à l’ouest. Neuf monnaies au total ont été retrouvées. L’individu devait être placé dans un espace vie en bois (cercueil) comme l’attestent les 69 clous retrouvés autour et au-dessus du squelette. L’inhumation date du IIe siècle après J.-C.

Le site au cours des IIe– IIIe siècles après. J.-C. conserve sa vocation funéraire. Même espace funéraire ou organisation en noyaux avec des espaces dédiés.  Les autres traces d’occupation laissent à penser qu’un autre type d’activité coexiste sur la parcelle. Il conviendrait d’en déterminer la nature lors d’investigations prochaines.

Les sondages au sud-est de l’emprise révèlent la présence d’une activité artisanale, textile ou métallurgique (cour intérieure des 5ème et 6ème division du Quartier des aliénés)

Pour cette période antique, la première fonction de l’espace semble être funéraire entre le 1er et le IIIe siècle après J.-C. En effet d’autres sépultures ont été découvertes à proximité, au 8 -10 rue Porte-Madeleine et au 18 rue Porte-Saint-Jean. La seconde fonction de la parcelle de l’hôpital semble évoquer une possible activité artisanale.

Période du Haut Moyen – Âge (VIIe siècle – IXe siècle)

Une dernière sépulture a été découverte au sud (Sondage réalisé dans la cour intérieure de la 4ème Division). Sa datation par radiocarbone serait comprise entre 655 et 725 ou entre 740 et 770. Aucun mobilier n’a été trouvé à proximité.

Les vestiges du Haut Moyen-Âge repérés dans le cadre du diagnostic sont peu nombreux mais jusqu’à présent aucun vestige de cette période n’avait été mis à jour à l’ouest de la place du Général de Gaulle.

Période du Bas Moyen-Âge (XIIIe siècle – XVe siècle)

Les indices d’une occupation du secteur au XIIIe – XIVe siècle sont nombreux notamment le long de la rue Croix-de-Bois Les deux sondages réalisés ont permis de livrer du mobilier céramique datant de cette époque.

Un sondage le long de la rue Porte-Madeleine a révélé un lot homogène de céramique du XIVe siècle ainsi qu’une épingle en alliage cuivreux.

Une cave-carrière médiévale

Toujours le long de la rue Porte-Madeleine une cave-carrière médiévale a été explorée.

(Sous l’ancienne direction de site de l’hôpital Porte-Madeleine, plus récemment l’Etat civil)

L’accès principal de la carrière s’effectue par un escalier droit de 65 marches. Il dessert une première cave de premier niveau, situé à 13,5m sous le niveau de circulation actuelle.

Vue de l’escalier depuis le bas

Les marches sont en calcaire de Beauce

La cave-carrière s’étend sur une longueur de 20m pour une largeur de 9,70m, sur une surface de 150m2 environ.

Un 1er espace, situé dans la partie ouest de la cave, se présente sous la forme d’une galerie longitudinale, orientée nord sud, à 6 travées avec six cellules latérales

La galerie est systématiquement renforcée par un système de piliers supportant des arcs doubleaux plein-cintre et des voutes d’ogives.

Voûte d’ogives d’une travée

Un 2ème espace est situé dans la partie est ; il s’étend sur une longueur de 11,40 m pour une largeur de 2,40 m.

Il s’agit d’une galerie unique rectangulaire

Datation de l’origine de la carrière

Le creusement et la toute première occupation de la carrière date au plus tôt du premier quart du XIVe siècle et au plus tard avant la deuxième moitié du XVe siècle. Le creusement du calcaire permet l’extraction de matériaux pour la construction d’habitat

Moyen-Âge (XVe siècle)

La construction de la 4ème enceinte (1488-1555) va enfermer l’emprise dans sa totalité

La porte-Madeleine est édifiée donnant bien plus tard son nom à l’hôpital (1995)

Époque moderne (XVIe siècle – XVIIIe siècle)

Plusieurs sondages au centre et au sud du site ont permis de mettre à jour du mobilier datant de cette époque

Le long du boulevard Jean Jaurès, les sondages géotechniques ont probablement permis de découvrir une maçonnerie recouvrant un espace vide en le traversant. Sommes-nous en présence de la tour du Pigeonnier qui était supposée appartenir à l’arsenal au XVIe siècle et qui a été conservée à la construction de l’hôpital général démarrée en 1675.

La tour du pigeonnier conservée à la construction de l’hôpital général. (Archives CHRO)
Emplacement de l’Arsenal d’après le Plan de Fleury de 1640 (Médiathèque d’Orléans)

Construction d’une 2ème carrière au XVIe-XVIIe siècle

L’entrée de cette carrière souterraine transformée dans un second temps en cave se situe dans la cour nord-ouest de l’hôpital (près du portique, cour d’entrée de l’ancienne direction générale, à l’ouest de la chapelle Saint-Charles). Comme pour la première carrière, l’accès s’effectue par un escalier droit de soixante-trois marches. La partie principale de la carrière se situe à 12m de profondeur. Le réseau se compose de trois galeries annulaires principales, reliées entre elles par des tronçons courbes. L’ensemble de cette carrière est basé sous les anciennes directions générale et services économiques de l’hôpital, emprise bien plus importante en surface que la première cave.

Époque contemporaine (XIXe siècle – XXe siècle)

La construction de l’Hôtel-Dieu (1841-1844)

Les seuls éléments étudiés lors du diagnostic sont situés dans les caves de l’aile sud du bâtiment. Lors de l’édification du nouvel Hôtel-Dieu, la découverte des carrières ont, d’une part, retardé le chantier, d’autre part augmenté le coût de construction. C’est ainsi, qu’en 1844 lors de l’inauguration, seuls trois corps de bâtiment avaient été édifiés au lieu de six.

A droite l’hôpital général, la chapelle Saint-Charles et les 6 divisions du Quartier des aliénés
A gauche le plan d’élévation du nouvel Hôtel-Dieu

Réaménagement de la 1ère carrière au milieu du XIXe siècle. L’ensemble de la cave carrière est marquée par des réaménagements tardifs. En premier lieu un puits a été aménagé au débouché de l’escalier d’accès. Il est maçonné sous toute sa hauteur et présente un plan carré. Ce puits, creusé dans la première travée d’entrée, a conduit à la destruction d’une grande partie des arcs doubleaux et de la voûte d’ogive.

Vue vers l’ouest depuis le deuxième espace de la cave. Au fond l’arc doubleau

Une ancienne barre à crochets (crocs à viande) permet d’attester la fonction de resserre. Cette resserre servait au stockage de denrées alimentaires

En haut à gauche, l’ancienne barre à crochets est toujours en place. Elle permettait d’accrocher les quartiers de viande à l’aide d’esses.

Un autre puits, maçonné en briques, a été aménagé à l’époque contemporaine, dans l’angle nord-ouest, de la galerie latérale. Son diamètre inférieur ne dépasse pas les 0,70 m. Une échelle a été aménagé avec de gros arceaux en fer scellés dans la maçonnerie.

Il débouche en façade du bâtiment, au long de la rue Porte-Madeleine. (bâtiment de l’ancien bureau local du  personnel)

 Une trappe d’accès aménagée depuis le trottoir est visible.

Vue vers le haut du puits maçonné en briques

Enfin, deux piliers constitués de béton et moellons calcaires sont visibles dans certaines travées.

Il pourrait s’agir de piliers de soutènement du ciel de carrière.

Un renforcement est également visible pour d’autres galeries. La datation de la construction de cette aile, qui abritait dans les années 80 le bureau local du personne,l daterait de 1863.Ces aménagements dans la carrière peuvent donc êtes datés de cette période. Ils correspondent probablement au renforcement des fondations telles qu’elles ont été réalisées à la construction de l‘Hôtel-Dieu, ouvert en 1844.

Le sondage dans les caves de la Pension Dubreuil n’a livré aucun mobilier

Les piliers de soutènement

Extensions et transformations de l’hôpital (XIXe siècle – XXe siècle)

Les acquisitions foncières de l’époque moderne et le départ des religieuses du Calvaire en 1792 vont permettre à l’hôpital de s’étendre vers l’est. La caserne des Buttes, situé au sud du couvent du Calvaire va être acquise, par la ville pour l’hôpital, en 1826. Des expropriations ont été nécessaires à l’angle de la rue Porte-Madeleine et au long de la rue Stanislas Julien. L’acquisition de cette emprise à l’est de l’hôpital a permis la construction de la Fondation Payen, hôpital pour enfants (1885) et de l’Hôtel-Dieu en remplacement de celui situé au nord-ouest de la cathédrale Sainte-Croix. Ce nouvel Hôtel-Dieu est inauguré le 26 novembre 1844. Â noter dans la partie sud du site, le Quartier des aliénés construit dans la première moitié du XIXe siècle, présent en ce lieu jusqu’en 1913 et dans l’angle sud-est, la pension Dubreuil ouverte en 1889, et dédiée aux vieillards. L’hôpital occupe alors l’intégralité de la parcelle diagnostiquée.

L’opportunité offerte par le futur aménagement de l’emprise de cet ancien hôpital, d’une superficie de 5,3ha, en bordure immédiate de la ville antique et médiévale permettrait de mieux connaître les occupations suburbaines de la ville d’Orléans.

La fouille de la zone funéraire détectée dans la parcelle, renseignerait de manière inédite les pratiques funéraires antiques à Orléans et ses alentours et l’organisation d’un espace funéraire en bordure de la ville.

Seule la poursuite de l’enquête archéologique permettra de répondre à ces questions.

Additif :

Nous avons essayé de retranscrire au mieux l’exposé des conférenciers en prenant également en compte les échanges à l’issue de la réunion, et en se référant largement au rapport de diagnostic archéologique très complet qui nous a été transmis.

Nous avons évoqué tout au long de ce rapport les zones de localisations contemporaines afin de mieux situer les lieux de recherche. La présence de la 2ème carrière a volontairement été peu abordée dans ce compte rendu.

Nous remercions chaleureusement les intervenants Emilie Roux-Capron et Amandine Ladam (archéologues), Olivier Boyer (Directeur général), Gilles Varin (Directeur des travaux et de la maintenance), Pierre Lefebvre, Isabelle Mangallon, Véronique Janvier pour avoir facilité l’organisation et le déroulement de cette conférence au sein même du centre hospitalier régional d’Orléans.

Ce rapport nous éclaire sur l’histoire de l’emprise de l’hôpital Porte-Madeleine avant l’implantation de l’hôpital général. Cette période n’avait jamais été étudiée de manière aussi approfondie et précise.

Le secrétaire général

Philippe Minster

Source :

  • Conférence du 16 mars 2017
  • Rapport du diagnostic archéologique/Orléans ZAC des Carmes Madeleine/Site de l’hôpital Porte-Madeleine/Code INSEE :45234
  • Archives CHR d’Orléans.
  • Crédits photos : Vincent Pasquier (Service audiovisuel CHRO) –  Pole d’archéologie de la ville d’Orléans (CR2 PDF) – APHO – Médiathèque d’Orléans.